Grèce : les Européens sous pression
L'évolution des positions depuis deux mois
Mais derrière cette immobilité de façade, la situation n'en évolue pas moins. Et c'est cette évolution cachée qui déterminera l'issue des négociations. Or, cette réalité a beaucoup évolué depuis deux mois. Pendant les mois de février et de mars, on a en effet vu le gouvernement grec beaucoup reculer. Alexis Tsipras a fait beaucoup de concessions, acceptant notamment de ne pas renégocier la dette publique dans l'immédiat, d'accepter certaines privatisations et de présenter jusqu'à quatre listes de réformes différentes à la demande des créanciers. Mais, depuis la réunion de l'Euro Working Group (EWG), le groupe de travail technique de l'Eurogroupe, le 1er avril, Athènes cesse de reculer. Alexis Tsipras a alors prévenu qu'il ne présentera plus de nouvelles listes et qu'il refuserait les réformes « austéritaires » réclamées par les créanciers. Depuis, le gouvernement hellénique tient sa position.Les Grecs se préparent au pire
Surtout, voici que les Grecs commencent à prendre un certain nombre de dispositions qui font penser qu'ils sont prêts à prendre le risque d'un défaut. D'abord, le rapprochement avec la Russie, qui, si l'on en croit les informations du Spiegel, démenties par Moscou, pourrait déboucher sur un versement de 3 à 5 milliards d'euros, mais qui, surtout présenterait un contrepoids important à la stratégie russe de l'UE. Ensuite, l'évocation d'un possible référendum ou de nouvelles élections en cas d'échec des discussions qui pourrait venir confirmer la stratégie de résistance d'Alexis Tsipras avec un nouveau mandat. Ensuite, certaines informations laissent entendre que la Grèce se prépare au défaut. Selon le New York Times, Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances aurait rencontré vendredi un des spécialistes américains des restructurations de la dette publique, Lee Buchheit, avocat chez Gottlieb, Steel and Hamilton et partisan de la restructuration grecque. Progressivement, les Européens se retrouvent devant le risque posé par leur propre stratégie : si le nœud coulant finit par étrangler la Grèce, autrement dit si leur logique va jusqu'au bout, ils devront faire face aux conséquences d'un défaut grec, voire d'un Grexit.Les Européens sont-ils prêts à un défaut grec et à un Grexit ?
Or, il est évident que les Européens ne sont pas prêts à accepter cette extrémité. Malgré les discours rassurants, un défaut et un Grexit poseraient de graves problèmes aux Etats et aux institutions de la zone euro. Il faudrait éponger des pertes sur les dettes accordées à l'Etat grec sans pouvoir négocier réellement le montant de ces pertes. Il faudrait éponger le système de compensation entre les banques centrales, Target-2, les créances des banques centrales vis-à-vis de la banque centrale grecque devenant insolvables.Par ailleurs, l'absence de contagion est loin d'être certaine et les « instruments » dont dispose la zone euro pour la contenir ne sont pas sans failles. L'OMT qui permet le rachat illimité d'obligations de la zone euro sous conditions, par exemple, a certes été jugée légal par la Cour de Justice de l'UE, mais la Cour constitutionnelle allemande s'est toujours dite prête à en stopper la réalisation en Allemagne. Le programme de rachat actuel d'obligations publiques permettra de contenir en partie la contagion, mais pas entièrement. Il faudra sans doute l'élargir, au risque de provoquer la colère de certains. Enfin, une action du MES, rappelons-le, est soumise au veto de l'Allemagne.
Or, Berlin, devant déjà encaisser politiquement les conséquences du défaut grec, sera-t-elle prête à donner plus pour sauver l'euro ? Rien n'est moins sûr et une chose est certaine : Angela Merkel préfèrerait ne pas tenter l'aventure. Enfin, un dangereux précédent sera créé, mettant fin au mythe fondateur de l'euro, son irréversibilité. La BCE, dont l'existence même repose sur ce mythe, osera-t-elle le mettre en danger ? On n'y croit guère. Or, dans le bras de fer auquel se livre Grecs et Européens, c'est celui qui craint le moins (ou feint le moins de craindre) le Grexit qui emporte la mise...